Château du Reposoir


-
Années : 1755-1756
-
Surface : 656 m²
-
Surface du domaine : 80'804 m²
-
Propriétaire actuel : Famille Pictet
Localisation
Le château se situe dans la localité de Pregny, au sein du sous-secteur de Pregny Parc, au lieu-dit Le Reposoir, à proximité des rives du Léman. Le domaine s’étend sur une superficie totale de 80'804 m².
Il se compose de vastes pelouses ponctuées d’arbres centenaires, qui s’élèvent en pente douce vers le château. Celui-ci trône sur une terrasse dominant, côté lac, un jardin à la française, tandis que, côté sud, il s’ouvre sur un plan d’eau et une majestueuse allée de marronniers.
Histoire
Mentionné pour la première fois au XVIème sous l’appellation La Terre de Pregny, le domaine appartient alors à Madeleine, veuve de Humbert Pucetti. Ce vaste territoire agricole s’étend de Sécheron au Vengeron, en lisière du Léman.
Le nom de Reposoir n’apparaît qu’au début du XIXème et ne désigne à l’origine qu’une parcelle située au bord du lac. À cet emplacement, en bordure de la route de Lausanne, se trouve un banc rudimentaire composé de deux planches superposées : l’une sert à s’asseoir, l’autre, placée au-dessus, permet aux femmes de déposer les corbeilles qu’elles portent sur la tête en se rendant au marché, et d’y prendre un moment de repos.
Le 7 mars 1534, année de naissance de la République de Genève, Guillaume du Puys, bourgeois de cette jeune république, acquiert les terres de La Terre de Pregny, alors situées dans le Duché de Savoie.
Le domaine reste entre les mains de la famille du Puys pendant quatre générations. Le 24 août 1659, Pierre II du Puys-de la Palle le lègue à ses deux filles : Ève du Puys, épouse de Jean Voisine, et Judith du Puys, épouse de Jérémie Pictet (1613-1669). Le domaine se trouve alors divisé en deux parts.
Dès le 28 février 1648, les deux sœurs procèdent déjà à un partage du domaine. Dans son testament du 6 janvier 1688, Judith du Puys lègue à son fils aîné, Jacques II Pictet-Du Pan (1643-1721), l’intégralité de sa part de La Terre de Pregny. En 1674, celui-ci rachète l’autre portion aux héritiers de sa tante Ève, réunissant ainsi l’ensemble du domaine sous son nom.
À l’origine, le domaine ne comprend pas la maison d’habitation actuelle, mais une autre demeure, probablement d’une certaine importance, puisqu’elle accueille en septembre 1696 l’intendant de France Ferrand.
Son petit-fils, Jacques III Pictet-Thellusson (1705-1786), fait raser l'ancienne demeure, dont aucune représentation ne nous est parvenue, en 1755, afin d'y édifier un château. Le lieu prend alors progressivement l'allure d'une propriété d'agrément. Le nouveau bâtiment, de style typique de son époque, adopte une forme carrée et des proportions modestes, avec cinq fenêtres en façade.
Ayant pris part au traité de 1754 entre la Sardaigne et Genève, Jacques III Pictet-Thellusson est récompensé par le roi Victor-Emmanuel III, qui lui confère le titre de comte avec transmission héréditaire. Malgré ses fonctions et ses honneurs à l'étranger, il entretient des relations actives avec sa patrie. En 1738, il est élu membre du Conseil des Deux-Cents. Il revient s’établir à Genève en 1763 avec le titre de chargé d'affaires du roi d'Angleterre. À cette époque, le résident de France exerce une influence prépondérante à Genève et ne peut tolérer qu’un ambassadeur d'une puissance rivale soit placé sur un pied d'égalité avec lui. Par ailleurs, Jacques III Pictet-Thellusson se rapproche du parti des Représentants, qui s'oppose vivement au gouvernement Négatif alors en place.
Le 15 décembre 1766, le peuple genevois, réunissant le Conseil Général, rejette le projet de constitution que le gouvernement Négatif, soutenu par la France, Berne et Zurich, tentait de lui faire accepter. À la suite de ce vote, les Représentants se retrouvent confrontés à divers procédés, notamment de la part de la France, qui établit un véritable blocus autour de Genève, du côté du Pays de Gex. Des troupes françaises viennent cerner la frontière, et le comte Pictet, dont la propriété de Pregny se trouve encore alors en terre française, devient la cible de traitements particuliers en raison de son soutien aux Représentants. Un capitaine de l'armée royale s'empare du domaine des Pictet, de la maison d'habitation et des dépendances, pour y installer des officiers, des cavaliers et des chevaux. Un fort et une prison y sont également établis. Face à cette situation, Jacques III Pictet-Thellusson doit se replier à Athenaz.
Entre 1787 et 1790, son fils, Isaac IV Pictet-Lullin, entreprend une rénovation ambitieuse du château et l’agrandit avec deux ailes luxueuses. Les travaux d’architecture extérieure et de décoration intérieure, notamment dans certains salons ornés de boiseries, sont conçus et réalisés par Jean Jaquet (1754-1839) :
« La cheminée du salon, en marbre noir incrusté de blanc, est remarquable; la correspondance avec la marbrier Doret de Vevey, concernant ce travail, a été conservée. Parmi les objets mobiliers, signalons des candélabres en bois sculpté d'un travail délicat, très bien conservé malgré sa fragilité; mentionnons encore un buste du prince Henri de Prusse qui aussi est l'œuvre de Jaquet. »
En 1790, Isaac IV Pictet-Lullin fait établir un plan de sa propriété afin de préserver les droits qu’il détient et de permettre à son successeur de comprendre précisément en quoi ceux-ci consistent. Il y ajoute l’observation suivante :
« Dès 1753, mon père et moi, avions fait des acquisitions. À cette époque, le domaine s'étendait de Sécheron au pont du Vengeron. Nombre de pièces étaient éparses et, comme ont dit, à la gueule du loup; d'autres, appartenant à divers particuliers, étaient enclavées au milieu des nôtres, nécessitaient des clôtures sans fin et occasionnaient des difficultés toujours pénibles, lors même qu'on était sûr d'en sortir avec satisfaction. J'ai donc réussi dans l'espace de vingt ans, à m'équarrir autant qu'il m'a été possible, de façon que le domaine est sous l'œil du maître et que les détails de préservation en ont beaucoup diminué. »
Le château relève, dès le 14 février 1790, de la commune de Pregny. Par le second traité de Paris du 20 novembre 1815, la commune de Pregny, et avec elle le château, est cédée à la Confédération suisse le 4 juillet 1816, puis officiellement rattachée à la République et canton de Genève le 10 octobre de la même année
Des nouveaux mas de dépendances est bâti par l'architecte Gustave Brocher vers 1850.
En 1852, Richard I Pictet-Candolle (1817-1884) vendit toutes les parcelles qui étaient au delà du chemin des Chèvres du côté nord et acheta celle qui allait jusqu'au chemin de l'Impératrice côté sud. Le Domain est ainsi d'un seul tenant entre ceux deux chemin bordé à l'est par la route de Suisse, ou les parcelles située le long de rives du lac ont également été vendue.
La première voie ferrée, construite en 1857, comprend deux voies reliant Genève à Versoix. Sa construction divise plusieurs domaines, notamment celui du château du Reposoir. Richard I Pictet-Candolle, passionné par les trains et les locomotives à vapeur, décide alors de faire construire une passerelle piétonne. Celle-ci permet de relier son domaine à ses terres situées à l'ouest, séparées par la voie ferrée, tout en lui offrant un point d'observation idéal pour voir passer les trains. La passerelle subsiste jusqu'en 2001, année des travaux pour la mise en service de la troisième voie CFF entre la gare de Coppet et celle de Genève-Cornavin, inaugurée le 2 octobre 2004 et mise en service le 12 décembre suivant. Les Chemins de fer fédéraux suisses en profitent également pour acheter le terrain de la famille Pictet, situé au-delà de la voie ferrée, à l'ouest du domaine. Au fil du temps, ce terrain s'est transformé en forêt.
Entre 1884 et 1886, Louis V Pictet-Saugy entreprend d’importantes réparations, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la maison de maître. Il transforme l’avenue et la loge d’entrée du domaine, et crée un nouveau jardin à la française, qui vient remplacer l’ancien potager, au-dessus de la terrasse dominant le lac.
Dans la seconde moitié du XXème siècle, les terres du domaine deviennent de moins en moins rentables, puis finissent par devenir déficitaires. Le coût de leur entretien impose alors un recentrage sur le cœur du domaine. C’est dans ce contexte que, les deux extrémités de la propriété sont cédées : au sud, autour de 1985, à la Ville de Genève pour l’extension du jardin botanique, connue sous le nom de Terres de Pregny, et au nord, en 2000, pour la création d’un ensemble résidentiel baptisé Pregny-Parc entre 2001 et 2003.
Liste des propriétaires successifs
-
xvie siècle - 7 mars 1534 Madeleine Pucetti ;
-
7 mars 1534 - 1560 : Guillaume du Puys (ou Dupuis) ;
-
1560 - 9 mars 1613 : Pierre du Puys-Favre ;
-
9 mars 1613 - 24 août : 1659 Pierre II du Puys-de la Palle ;
-
24 août 1659 - 1674 et 6 janvier 1688 : Ève du Puys-Voisine et Judith du Puys-Pictet ;
-
1674 et 6 janvier 1688 - 2 août 1721 : Jacques II Pictet-Du Pan (1643-1721) ;
-
2 août 1721 - 22 février 1746 : Marc Pictet-Budé (1672-1746) ;
-
22 février 1746 - 10 février 1786 : Jacques III Pictet-Thellusson (1705-1786) ;
-
10 février 1786 - 16 octobre 1823 : Isaac IV Pictet-Lullin (1746-1823) ;
-
16 octobre 1823 - 1852 : Louis II Pictet-Achard, dit « Le Gros » (1778-1852) ;
-
1852 - 9 août 1884 : Richard I Pictet-Candolle (1817-1884) ;
-
9 août 1884 - 1930 : Louis V Pictet-Saugy (1854-1930) ;
-
1930 - 6 novembre 1975 : Richard II Pictet-Pourtalès-Puget (1887-1975) ;
-
6 novembre 1975 - ? : Hubert Pictet-Merenda (1918-2013) et Jean-Michel Pictet-Barbey-de Haller (1925-2010).
Architecture
« On pénètre dans l'habitation par un vestibule d'où se détache un bel escalier conduisant au premier étage. La pièce centrale du rez-de-chaussée est le grand salon, entièrement décoré de motifs sculptés par Jean-Jaquet : consoles, cheminée, candélabres, avec un mobilier de la fin du XVIIIème siècle. À droite du salon, se trouve la salle à manger, de teinte claire et où une grande armoire vitrée contient une riche collection de porcelaines de la Compagnie des Indes au décor rose et or; le mobilier est de style. À gauche du salon, on traverse une gracieuse chambre de l'époque Directoire, tendue de papier à sujet agrestes et bucoliques, tandis que les meubles sont recouverts de tapisseries de Beauvais représentant des sujets tirés de fables de La Fontaine. En continuant, nous arrivons à la bibliothèque, pièce rendue confortable et sympathique par les rayons de livres aux belles reliures et ses objets d'art agréablement disposés sur des consoles. »
Protections
Le domaine, le château et l'Orangerie sont classés bien culturel d'importance nationale par l'Office fédéral de la protection de la population.
Le 11 juillet 1956, le château les dépendances et le domaine sont inscrits sur la liste des objets classés par le Département des Travaux Publics du canton de Genève.
Le 5 octobre 2005, le domaine est inscrit à l'inventaire de la section nationale suisse du Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS), répertoriant les parcs et jardins historiques de Suisse.
Anecdotes
-
Au début du xxe siècle, plusieurs hôtes de marque séjournent au château du Reposoir. Parmi eux figurent Georges III et son épouse, deux rois de Sardaigne, le marquis de Bute, le duc de Gordon et son épouse, le prince Henri de Prusse, ainsi que Warren Hastings (1732-1818);
-
Lors de la Question royale, le roi Léopold III (1901-1983) et sa famille se réfugient et habitent au château du Reposoir entre le 3 octobre 1945 et 1948. Les membres de la famille royale de Belgique se mêlent simplement aux coutumes de vie de la commune de Pregny, se promenant dans le village, achetant leur pain chez le boulanger ou assistant à la messe de l'église catholique;
-
Durant son séjour à Pregny, le roi Léopold III reçoit plusieurs personnalités au château pendant son exil, parmi lesquelles sa sœur, la princesse Marie-José d'Italie (1906-2001), ainsi que le Premier ministre belge Achille Van Acker (1898-1975);
-
En 1954, la famille Pictet invitent le ministre des Affaires étrangères britannique, Anthony Eden (1897-1977), au château;
-
Dans l'album L'Affaire Tournesol de Hergé (1907-1983), deux bâtiments réels servent de modèle à l'ambassade de Bordurie que l'auteur situe à Rolle : d'une part, le château du Reposoir, où Hergé avait rendu visite au roi Léopold III, et d'autre part, l'école hôtelière de Genève;
-
En 1968, Olav V de Norvège (1903-1957), alors en visite officielle en Suisse, est invité au château du Reposoir par Gustave Barbey;
-
En 1983, le vice-président George H. W. Bush (1924-2018) est reçu au château du Reposoir par Pierre Aubert (1927-2016), alors président de la Confédération, dans le cadre d'une discussion sur le désarmement;
-
Le 18 novembre 1985, un jour avant le sommet de Genève, les propriétaires du Reposoir, ainsi que Kurt Furgler (1924-2008), alors président de la Confédération, invitent tour à tour les présidents américain et soviétique, Ronald Reagan (1911-2004) et Mikhaïl Gorbatchev (1931-2022), à venir au château.
La famille royale belge au château
Invasion de la Belgique
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, la Belgique est envahie par l'Allemagne nazie en mai 1940. Le roi des Belges Léopold III (1901-1983) prend la décision de rester en Belgique avec son gouvernement, alors que l'armée belge se replie en France et au Royaume-Uni. Après la défaite rapide de l’armée belge, Léopold III se rend aux Allemands en mai 1940, espérant éviter une destruction totale du pays. Cet acte est perçu par une grande partie de l'opinion publique comme une capitulation, ce qui provoque une intense polémique. Le roi, restant en Belgique sous contrôle allemand, devient un prisonnier de guerre. Il est interné avec sa famille à Laeken puis transféré en Allemagne, où il demeure jusqu’à la fin de la guerre en 1945.
Le comportement de Léopold III pendant la guerre suscite une fracture dans la société belge. D’un côté, une partie de la population le soutient, estimant qu’il agit par souci de préserver la Belgique et de limiter les souffrances infligées par l’occupant. De l’autre, une large majorité estime qu'il trahit son pays en se rendant aux nazis, abandonnant son peuple à l'occupation.
Naissance de la question royale
Le gouvernement belge en exil, dirigé par Pierre Dupong (1885-1953), adopte une position hostile à Léopold III. En 1944, après la libération de la Belgique, le gouvernement provisoire, soutenu par les partis sociaux-démocrates, libéraux et communistes, met en place une régence sous la direction du frère de Léopold III, le prince Charles (1903-1983), pendant que le roi est encore captif des Allemands.
Le roi et sa famille sont libérés par l’armée américaine le 7 mai 1945 à Strobl, en Autriche, où les Allemands les avaient déplacés. À ce moment, il ne reprend pas immédiatement ses fonctions de roi, le pays étant sous régence. Mais il se fait de plus en plus pressant sur la question de son retour au trône.
Le roi ne peut pas rentrer immédiatement en Belgique après sa libération, une partie du personnel politique et de la population belge s'opposant à son retour tant que ne se règle pas la question fondamentale de savoir s’il aurait dû quitter le pays en 1940 pour poursuivre la lutte plutôt que de se constituer prisonnier. De plus, il refuse de rentrer en acceptant les conditions imposées par le gouvernement, notamment celle de prononcer et de rendre publique une déclaration rédigée par ce dernier, dans laquelle il devrait rendre un vibrant hommage aux Alliés et aux résistants tout en condamnant fermement l’occupation allemande.
Exil en Suisse
Arrivant directement d'Autriche, le roi Léopold III demande l'hospitalité au comte Richard II Pictet-Pourtalès-Puget dans son château du Reposoir à Pregny (GE).
Le livre Pregny, commune genevoise et coteau des altesses de Guillaume Fatio (1865-1958) raconte son arrivée à Pregny :
« Le mardi 3 octobre 1945, à six heures, à la tombée de la nuit, les grilles d'entrée du parc du Reposoir s'ouvraient sans bruit; elles laissent passer quatre voitures automobiles, dont trois portaient des plaques étrangères, qui se rendaient directement à la maison d'habitation. Les portes se refermèrent aussitôt et tout rentra dans le silence sans aucune manifestation. Seul la bise faisait entendre son gémissement coutumier. Après un long trajet, les voyageurs éprouvaient le besoin d'un peu de repos. Venant d'Autriche, le roi Léopold III de Belgique avait demandé l'hospitalité au compte Richard Pictet dans sa belle demeure de Pregny. Après de multiples vicissitudes, supportées stoïquement depuis le mois de mai 1940, le souverain revenait dans un pays où le vent de la liberté n'avait jamais cessé de souffler et où son père, le roi Albert Ier, aimait à séjourner et à se détendre dès qu'il pouvait quitter la Belgique. Léopold III était accompagné de son épouse, la princesse de Rethy, du prince héritier Baudouin, âgé de quinze ans, de la princesse Joséphine–Charlotte, jeune fille de dix-neuf ans, du prince Albert, ainsi que du petit prince Alexandre, né du second mariage. Le représentant de la Belgique à Genève et les membres de la suite, déjà installés, accueillirent leur roi et lui présentèrent les délégués des autorités genevoises, tandis que les jeunes enfants du souverain faisaient la connaissance de leur nouvelle demeure. Il était prévu que le roi Léopold séjournerait six mois à Genève pour se remettre de tous les vicissitudes de la guerre mondiale et c'était M. de Lantsheere, secrétaire des biens privés de la maison royale, et le professeur Pirenne, conseiller politique du roi, qui avaient été chargés du choix d'une résidence appropriée. À côté de la beauté du site et du confort de la maison, Le Reposoir offrait l'avantage d'être à proximité d'une ville où les enfants pourraient poursuivre leurs études. »
« Pour se sortir de ses préoccupations, le jeu de golf offre au roi une distraction et un sport dans lequel il excelle, d'autant plus que la princesse de Rethy, elle aussi, est une joueuse émérite. Le club d'Onex est peu éloigné et accessible par des routes pittoresques. Suivant les traces de son père, Léopold III est un fervent alpiniste qui aime gravir les parois de rochers. Il se délasse enfin, avec un professeur émérite, dans des entretiens sur les mathématiques, sujet qui l'intéresse tout particulièrement. »
Les membres de la famille royale de Belgique se mêlent simplement aux coutumes de vie de la commune de Pregny, se promenant dans le village, achetant leur pain chez le boulanger ou assistant à la messe de l'église catholique.
« Dès le début de leur séjour, les membres de la famille royale de Belgique vinrent assister aux offices en la modeste église de Pregny, se mêlant, avec la plus grande simplicité, aux autres fidèles. La messe de minuit de 1945 laissera un souvenir inoubliable aux paroissiens. En effet, en cette nuit de Noël, le roi, la princesse de Rethy et leur enfants prirent part au service devant un autel orné magnifiquement de lilas blancs offerts par la princesse. »
Des habitants de la commune racontent également que le jeune Baudouin aime accompagner le facteur dans sa tournée de distribution.
Côté diplomatique, le roi Léopold III reçoit plusieurs personnalités au château durant son exil, parmi lesquelles sa sœur, la princesse Marie-José d'Italie (1906-2001), ainsi que le Premier ministre belge Achille Van Acker (1898-1975).
La famille royale belge quitte le château du Reposoir en 1948 pour un autre lieu de résidence.
Référendum belge de 1950
En 1950, après une période de réflexion, Léopold III décide de demander à revenir officiellement au pouvoir. Ce retour divise profondément le pays.
Les partisans du roi, appelés les Léopoldistes, estiment qu’il a agi dans l’intérêt de la Belgique et qu’il devrait retrouver son trône. Ils sont principalement issus de la droite, de l’aristocratie et du clergé, et trouvent que la régence et les gouvernements précédents ont eu trop d'influence. Ils voient en lui un symbole d'indépendance et de souveraineté nationale.
Les opposants, appelés les Antiléopoldistes, sont surtout issus des partis libéraux, sociaux-démocrates et communistes. Ils considèrent que le roi a trahi le pays en se rendant aux nazis et qu'il ne mérite plus la confiance du peuple belge. La question de sa légitimité est donc mise en débat.
Face à cette situation de crise, le gouvernement belge décide de recourir à un référendum pour trancher la question du retour de Léopold III. Le référendum de 1950 a lieu en mars et, bien que le roi recueille une majorité de voix pour son retour (près de 57 % des suffrages), les résultats sont loin d’être unanimes. La Belgique est profondément divisée : certains départements (surtout flamands) votent massivement pour son retour, tandis que d'autres (surtout en Wallonie) votent contre.
Les résultats du référendum ne suffisent pas à résoudre la crise. La division est trop profonde, et la tension monte à travers le pays. De violentes émeutes éclatent à Bruxelles et dans d’autres grandes villes, opposant les partisans du roi aux opposants. Les syndicats, notamment dans les régions wallonnes, organisent des grèves pour protester contre le retour du roi, et des manifestations de rue ont lieu. Le pays est en proie à une forte instabilité.
Départ de la Suisse
À la suite du résultat favorable au retour du roi, la famille royale belge se prépare à quitter définitivement la Suisse pour la Belgique. N'oubliant pas l'accueil chaleureux des habitants de Pregny, la famille royale commande à l'artiste Jérém Falquet (1885-1956) un tableau représentant le Baptême du Christ. Ce dernier, peint le 1er juillet 1950, est ensuite offert à la paroisse catholique de Pregny. Il est actuellement exposé au fond de l'église, sous la tribune, à gauche en entrant.
Abdication de Léopold III
De retour au pays et face à l'intensification de la crise, Léopold III, très contesté et sous pression, décide d’abdiquer en faveur de son fils Baudouin. Le 11 août 1951, il abdique officiellement, mettant fin à la Question royale. Baudouin devient alors roi des Belges à l'âge de 20 ans, et le pays entre dans une période de calme relatif.
Préoccupations : minime
Du fait que le château et le domaine appartiennent à la même famille depuis plusieurs générations, il est peu probable que celle-ci s’en sépare. Il convient toutefois de surveiller le domaine, qui s’est considérablement réduit entre les années 1980 et 2000.
Sources :
- Guillaume Fatio, Pregny, commune genevoise et coteau des altesses, 1947, pp. 317-338.
- Guillaume Fatio & Raymond Perrot, Pregny-Chambésy, commune genevoise, 1978 (2ème éd.), pp. 301-319.
- Rilliet Natalie, Le Reposoir, histoire d'un domaine genevois, Genève, 2012.